Le Pr Thibaud DAMY invité de Happy End Life

Parler de la mort dans le soin reste un défi majeur pour les soignants.
Dans cette interview pour Happy End Life, le Pr Thibaud Damy partage son expérience et la naissance du projet Les Survivants, une démarche collective pour redonner du sens, de la parole et de la reconnaissance face à la mort.
À travers des rencontres, des témoignages et une réflexion sur la formation médicale, il invite à anticiper la fin de vie et à transformer ce vécu en gratitude et humanité.

Parler de la mort dans le soin pour continuer à soigner

Dans cette interview réalisée par Happy End Life, le professeur Thibaud Damy, cardiologue et fondateur du projet Les Survivants, revient sur la genèse de cette démarche née d’un constat simple et douloureux : dans notre société, la mort reste un grand tabou — et les soignants ne sont pas épargnés.

Issu de son propre parcours professionnel, marqué par le syndrome vicariant, le burn-out et de nombreux deuils – personnels, familiaux et transgénérationnels – ce projet est né d’une urgence : celle de mettre des mots sur ce que la mort provoque en chacun de nous.
En quinze ans de pratique, Thibaud Damy a accompagné plus de 750 patients jusqu’à leur dernier souffle. Une expérience vertigineuse, souvent vécue dans le silence, car dans le monde médical, la mort est trop souvent perçue comme un échec.

La mort, un tabou dans la formation des soignants

Cette vision s’enracine très tôt, dès la formation des soignants, où la mort n’est presque jamais abordée autrement que comme une défaite. Rien n’est prévu pour apprendre à parler de la mort dans le soin, à accompagner la fin de vie, ni à accueillir la détresse émotionnelle qu’elle provoque.
Les médecins, comme les professions paramédicales, sont formés à la performance et à la maîtrise.

« On nous a appris à laisser nos émotions au vestiaire », rappelle Thibaud Damy.

Cette absence de préparation devient un enjeu de santé publique : elle favorise la violence entre les équipes, la perte de sens et la dégradation de la santé mentale des soignants.
C’est aussi l’une des causes profondes du désengagement massif observé depuis la crise du Covid.

Parler, partager, transformer

Pour engager le dialogue, Thibaud Damy a organisé vingt réunions-débats à travers la France, rencontrant des centaines de soignants venus témoigner de leur vécu. Des échanges puissants, poignants, qui ont révélé combien parler de la mort dans le soin est essentiel pour rester humain et continuer à exercer.

Sur le chemin, il a aussi rencontré des anonymes, des personnes croisées au hasard, qui ont partagé leurs propres histoires.
Il évoque notamment un dîner avec un homme opéré du cœur et son épouse : lui, reconnaissant envers le chirurgien ; elle, marquée par la peur de le perdre. Deux regards sur la même épreuve, deux façons de vivre la mort, un même élan de vie.

« Il suffit parfois d’un mot, d’un geste, pour aider l’humanité », confie Thibaud Damy.

Anticiper la mort, préparer la vie

Aujourd’hui, il invite à changer de regard : il ne s’agit plus seulement de faire face à la mort quand elle survient, mais de l’anticiper ensemble — soignants, patients, familles.
Travailler collectivement à un projet de fin de vie, c’est permettre à chacun de se préparer, de comprendre, d’accepter.
C’est aussi transformer un sentiment d’échec en reconnaissance et gratitude : les soignants n’ont pas échoué, ils ont accompagné jusqu’au bout.

Dans cette perspective, la consultation d’annonce devient un moment indispensable.
Elle permet de poser les mots justes, d’ouvrir le dialogue, de construire un accompagnement humain et partagé.
Anticiper la mort, c’est finalement préserver la vie jusqu’à la fin.

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