LES MORTS PERSONNELLES – Le soignant face à son propre deuil

Les soignants sont confrontés quotidiennement à la souffrance, à la perte, à la mort. Mais que se passe-t-il quand la mort s’invite dans leur propre vie personnelle ? Quand un parent, un conjoint, un enfant, un ami disparaît ? La douleur est intime, violente parfois. Pourtant, dans le système de soin, le deuil personnel du soignant est souvent ignoré, voire minimisé.

Un double poids : porter la blouse et sa peine

Dans beaucoup de services, le deuil personnel est invisible. Les soignants reprennent leur poste après quelques jours, parfois sans avoir le choix. Ils continuent d’accompagner les patients, de rassurer les familles, de gérer les urgences, alors qu’intérieurement, ils sont en ruine.

Ce décalage peut entraîner :

  • Un épuisement émotionnel important

  • Une hyperactivité ou un repli silencieux

  • Une perte de sens ou de repères dans le soin

  • Une amplification du stress ou de l’irritabilité

👉 Consultez la page L'impact de la mort sur les soignants :

S’autoriser à être en deuil… même quand on soigne

Le soignant est souvent perçu (et se perçoit lui-même) comme celui qui tient, qui prend soin des autres. Mais cette posture devient insoutenable lorsqu’elle se confronte à une douleur intime non reconnue. Il est essentiel de rappeler que :

  • Le deuil n’est pas un tabou, même dans le soin

  • Demander un temps d’arrêt ou un aménagement de poste n’est pas un échec

  • Être soignant ne protège en rien des effondrements

Accepter son humanité, c’est aussi accepter de s’effondrer parfois.

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Trouver un espace pour parler, pleurer, déposer

Dans les périodes de deuil personnel, il est crucial d’avoir un espace où l’on peut déposer sa douleur en dehors de son rôle professionnel. Cela peut être :

  • Un accompagnement psychologique extérieur

  • Des groupes de parole ou de soutien entre pairs

  • Une supervision avec un professionnel formé à la clinique du deuil

Et surtout, le soutien du collectif de travail : ne pas être jugé, ne pas être isolé, pouvoir dire « je n’y arrive pas » sans peur.

Revenir au soin sans s’oublier

Le retour au travail peut être une étape difficile. Il peut raviver des blessures, créer des résonances avec certaines situations cliniques, ou déclencher un désengagement affectif. Pour cela, il peut être utile de :

  • Réfléchir au moment juste du retour

  • Être accompagné dans cette reprise

  • Se donner le droit de ralentir, d’avoir des réactions, d’être touché

  • Poser des limites, réajuster ses missions si besoin

Être soignant ne rend pas invulnérable. Face à la perte d’un proche, le professionnel n’efface pas la personne. Reconnaître ses douleurs personnelles, c’est aussi préserver sa capacité à accompagner celles des autres. Parce qu’il n’y a pas de soin juste sans soignant debout.