L'IMPACT DE LA MORT POUR LA SANTÉ PUBLIQUE

La mort, bien qu’individuelle et intime, a des répercussions collectives. Elle interpelle la société dans ses fondements, mais aussi dans sa capacité à organiser, anticiper, accompagner. En santé publique, elle n’est pas qu’un indicateur statistique : elle reflète l’état des systèmes de soins, les inégalités d’accès, les priorités de prévention et les choix politiques en matière de santé. Elle interroge la manière dont les professionnels sont soutenus, les ressources mobilisées, et la dignité garantie.

Un indicateur de performance et d’inégalités

Chaque décès, surtout lorsqu’il est évitable, révèle une fragilité du système : retards de diagnostic, rupture de parcours, manque de prévention, isolement social, barrières économiques ou culturelles. La mortalité prématurée, les décès par suicide, les morts maternelles ou infantiles sont des signaux d’alerte forts pour les politiques de santé.

La pandémie de COVID-19 a brutalement mis en lumière les vulnérabilités des populations et les limites des infrastructures sanitaires. La question n’est plus seulement médicale, elle est structurelle et politique.

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L’impact sur les professionnels et les ressources

Les décès répétés dans un service (EHPAD, urgences, réanimation, soins palliatifs, psychiatrie…) peuvent entraîner une usure émotionnelle, des burnouts, des démissions. La santé publique ne peut négliger cet impact silencieux sur ses ressources humaines.

En parallèle, le manque de formation au deuil, à l’annonce, au soutien psychologique rend encore plus vulnérables des professionnels pourtant essentiels.

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Un enjeu d’organisation collective et de lieux symboliques

Les hôpitaux, les EHPAD, les cliniques sont aussi des lieux de fin de vie. Il est essentiel d’intégrer la mort dans leur organisation :

  • création de lieux de recueillement,

  • protocoles respectueux pour le transfert des corps,

  • soutien aux équipes,

  • prise en charge administrative digne,

  • temps institutionnels pour penser la mort (groupes de parole, comités éthiques…).

Certaines structures développent des initiatives innovantes comme des « salons des adieux », des espaces mémoriels, ou des rituels d’hommage pour les patients décédés.

Une responsabilité politique et éthique

La santé publique ne peut se contenter de réduire les décès. Elle doit garantir une mort digne, accompagnée, anticipée. Cela implique de promouvoir les directives anticipées, d’investir dans les soins palliatifs, de former à l’accompagnement et de soutenir les proches dans leur deuil.

Cela signifie aussi écouter les professionnels de terrain, tirer les leçons des événements critiques, et faire de la mort un enjeu collectif assumé, non un tabou.

Une responsabilité politique et éthique

La santé publique ne peut se contenter de réduire les décès. Elle doit garantir une mort digne, accompagnée, anticipée, qui fait partie intégrante des politiques de santé. Cela implique plusieurs engagements forts :

  • Promouvoir les directives anticipées et l’éducation des citoyens à leurs droits,

  • Investir dans les soins palliatifs (formation, disponibilité territoriale, temps de coordination),

  • Défendre une égalité d’accès aux soins en fin de vie, en luttant contre les déserts médicaux,

  • Soutenir les professionnels (dispositifs de soutien psychologique, reconnaissance du traumatisme secondaire),

  • Inclure les réalités de la mort dans les politiques hospitalières, médico-sociales et sanitaires.

La mort ne peut rester un angle mort des politiques de santé. Les choix faits aujourd’hui — ou leur absence — ont un impact sur la qualité de la fin de vie des citoyens et sur la capacité des équipes à exercer leur métier avec sens.

Penser la mort comme un sujet de santé publique, c’est replacer la personne au cœur du système. C’est considérer que l’accompagnement des derniers instants est aussi important que la guérison. C’est défendre une médecine humaine, durable, et alignée avec les valeurs d’une société solidaire.