LES DIFFÉRENTES PHASES DU DEUIL POUR LE SOIGNANT

Le soignant, qu’il soit médecin, infirmier, aide-soignant ou autre professionnel de santé, n’est pas épargné par le deuil. Face à la mort d’un patient, un processus de deuil peut s’enclencher, même si la relation était professionnelle. Ce vécu est souvent minimisé, ignoré, voire nié, alors qu’il a un impact réel sur le bien-être, la qualité des soins et la pérennité de l’engagement.

Reconnaître les différentes phases du deuil permet au soignant :

  • De mieux comprendre ses émotions

  • De repérer une souffrance prolongée ou anormale

  • De mettre en place un accompagnement ou des ressources

  • Et surtout, de ne pas rester seul face à ce qu’il vit

Le choc ou le déni

Même lorsqu’une mort est attendue, l’annonce ou la constatation du décès peut provoquer un choc émotionnel. Le corps réagit : tension musculaire, sidération, froideur affective ou hyperactivité.
Certains soignants se “désengagent émotionnellement” pour continuer leur mission, d’autres éprouvent un sentiment d’irréalité.

🧠 Le déni partiel peut être un mécanisme de défense protecteur, mais il ne doit pas s’installer durablement.

La colère, la culpabilité

Une phase de révolte intérieure peut suivre, parfois dirigée :

  • Contre soi : “J’aurais dû faire plus.”

  • Contre l’équipe ou le système : “On a manqué de moyens.”

  • Contre la famille, le patient, la maladie, le destin…

📌 Cette étape est normale. Elle peut aussi contenir une colère plus profonde liée à l’usure, l’injustice ou l’impuissance ressentie dans l’accompagnement.

Le marchandage silencieux

Peu visible, cette phase se manifeste par des tentatives intérieures de reprise de contrôle :

  • “Si je m’investis encore plus, ça ne se reproduira pas.”

  • “Il faut que je trouve un sens à cette perte.”

💬 Certains soignants ressentent alors le besoin de parler, de revisiter les faits, de chercher une explication médicale, éthique, spirituelle…

La tristesse ou le repli

La phase de tristesse peut être plus ou moins marquée :

  • Fatigue inhabituelle

  • Manque d’élan au travail

  • Baisse d’intérêt pour la relation patient

  • Sensation de vide ou d’inutilité

🛑 Le risque ici est l’isolement ou le déni du besoin d’aide, surtout dans un univers où “tenir” est valorisé.

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L’intégration et le sens

Petit à petit, la mort du patient trouve une place :

  • Comme expérience professionnelle marquante

  • Parfois comme rencontre humaine importante

  • Parfois comme échec non digéré, mais accepté

🔄 Certains soignants en profitent pour adapter leur posture, rééquilibrer leur engagement, ou réfléchir à leurs limites. D’autres choisissent d’en faire un moteur de transmission, de sensibilisation ou de prévention.

Quand faut-il s’inquiéter ?

🛑 Un deuil devient problématique lorsqu’il :

  • S’installe dans la durée (> 6 mois)

  • Perturbe la relation aux autres patients

  • Provoque un désengagement ou une surcharge émotionnelle

  • Génère des troubles du sommeil, anxiété, irritabilité, perte de sens

Dans ces cas, il est essentiel de ne pas rester seul. Il existe des ressources :
➡️ groupes de parole, supervision, soutien psychologique, formation à la relation fin de vie, etc.

Le soignant est un être humain dans un métier d’humains. Il n’est pas “hors douleur”. Traverser un deuil professionnellement n’est pas un signe de faiblesse, mais un témoignage de son engagement, de sa présence et de sa sensibilité.

Reconnaître les phases du deuil, c’est aussi reconnaître que le soin ne s’arrête pas au curatif. Il englobe l’accompagnement, la perte, et parfois, le deuil de ceux qui soignent.