La mort et l'évolution de l'hôpital

La mort en milieu hospitalier est une réalité omniprésente qui suscite de nombreuses interrogations éthiques, organisationnelles et humaines. Avec près de 80 % des décès survenant à l’hôpital, dont la majorité en dehors des unités de soins palliatifs, il est essentiel de comprendre comment l’hôpital a évolué face à cette épreuve universelle. La gestion de la fin de vie en milieu hospitalier est un enjeu majeur pour les soignants, les patients et leurs familles.

L'hôpital face à la mort : une transformation historique

Depuis un siècle, l’organisation de l’hôpital a évolué sous l’influence croissante de la technique, de la rationalisation et des impératifs de productivité. Cette transformation a conduit à un glissement progressif de l’humanité vers une approche centrée sur la technicité et l’efficacité. La rationalisation des soins s’est traduite par une standardisation des pratiques et un recours accru aux protocoles, souvent au détriment de la personnalisation et de la prise en compte des dimensions humaines et émotionnelles des patients et des soignants.

Parallèlement, le temps consacré aux patients s’est considérablement réduit en raison des pressions organisationnelles et économiques, renforçant une perception de “soins accélérés” où la rapidité prime sur la qualité relationnelle. La segmentation et la fragmentation du parcours de soins, avec une multiplication des intervenants et des actes spécialisés, ont également contribué à une dilution de la continuité des soins. Le patient, autrefois pris en charge dans sa globalité par un unique soignant, est désormais souvent perçu à travers le prisme de sa pathologie ou de l’organe défaillant par de multiples soignants spécialisés.

Cette organisation, bien qu’efficace pour traiter des affections spécifiques, risque de déshumaniser la relation soignant-soigné et d’accroître les frustrations des soignants, contraints de s’adapter à des modèles de soins parfois en décalage avec leurs valeurs et leur vocation initiale, dont le paroxysme est la survenue de la mort.

L'impact de la mort sur les soignants

Les soignants sont confrontés quotidiennement à la mort, ce qui génère un stress émotionnel important. Différents types de décès impactent leur équilibre psychologique :

  • La mort brutale et inattendue, source de choc émotionnel. POur en savoir plus CLIQUEZ ICI
  • La mort post-intervention, qui engendre un sentiment d’échec. Pour en savoir plus CLIQUEZ ICI
  • La mort par maladie contagieuse, un défi supplémentaire. Pour en savoir plus CLIQUEZ ICI
  • La mort par décision médicale, qui pose des dilemmes éthiques complexes. Pour en savoir plus CLIQUEZ ICI
  • La mort attendue en contexte de maladie chronique, qui met en lumière l’importance de l’accompagnement. Pour en savoir plus CLIQUEZ ICI

 

Dans cette médecine technique, segmentée, accélérée, en partie déshumanisée, la gestion de la mort attendue par les soins palliatifs, bien que nécessaire et utile, a permis à de nombreux médecins de s’en distancer, déléguant la fin de vie à ces spécialistes souvent appelés très tardivement. Quant aux morts brutales et autres formes, elles laissent le soignant face à sa culpabilité et l’incompréhension des familles non préparées à un tel événement.

La socialisation professionnelle façonne les attitudes et comportements des soignants face à ces réalités. Le sociologue Everett C. Hughes, dans son ouvrage Men and Their Work, explique que la formation médicale actuelle développe une distance émotionnelle et une maîtrise technique, souvent au détriment d’une prise en compte plus profonde des effets psychologiques de la confrontation à la mort. Cette formation peut ainsi engendrer des mécanismes de défense comme le déni et la rationalisation, empêchant les soignants de gérer pleinement leur propre angoisse et d’accompagner leurs patients de manière plus humaine.

La relation patient-soignant face à la fin de vie

Pour améliorer la gestion de la mort à l’hôpital, plusieurs axes doivent être développés :

  • Former les soignants à l’accompagnement de la fin de vie, y compris sur l’aspect émotionnel.

  • Favoriser les soins palliatifs dès l’annonce d’un pronostic grave, et non seulement en phase terminale.

  • Encourager les espaces de parole pour les soignants afin de prévenir l’épuisement.

  • Développer une approche plus humaine de la fin de vie, en intégrant les aspects psychologiques, sociaux et culturels.

  • Intégrer l’enseignement de la mort dans la formation médicale : la mort, longtemps perçue comme un échec par les soignants, n’a été incluse dans le programme officiel des études médicales françaises qu’en 2021 (item 14 de l’internat), avec une approche principalement palliative. Il est essentiel de former tous les soignants déjà en exercice, par exemple via un Diplôme Inter-Universitaire (DIU), pour combler ce retard. Pour en savoir plus sur le DIU de l’impact de la fin de vie sur les soignants CLIQUEZ ICI

Repenser l'accompagnement de la mort à l'hôpital

Pour améliorer la gestion de la mort à l’hôpital, plusieurs axes doivent être développés :

  • Former les soignants à l’accompagnement de la fin de vie, y compris sur l’aspect émotionnel.

  • Favoriser les soins palliatifs dès l’annonce d’un pronostic grave, et non seulement en phase terminale.

  • Encourager les espaces de parole pour les soignants afin de prévenir l’épuisement.

  • Développer une approche plus humaine de la fin de vie, en intégrant les aspects psychologiques, sociaux et culturels.

  • Intégrer l’enseignement de la mort dans la formation médicale : la mort, longtemps perçue comme un échec par les soignants, n’a été incluse dans le programme officiel des études médicales françaises qu’en 2021 (item 14 de l’internat), avec une approche principalement palliative. Il est essentiel de former tous les soignants déjà en exercice, par exemple via un Diplôme Inter-Universitaire (DIU), pour combler ce retard. Pour en savoir plus sur le DIU sur l’impact de la fin de vie sur les soignants, CLIQUEZ ICI

L’hôpital moderne doit repenser son rapport à la mort pour mieux accompagner patients, familles et soignants. Briser le tabou autour de la fin de vie en milieu hospitalier est un enjeu essentiel pour construire une médecine plus humaine, qui ne se limite pas à la technicité, mais qui intègre pleinement l’accompagnement de la dernière étape de la vie.